06 avril 1984: Un passé Si présent

06 avril 1984: Un passé Si présent

 

 

YAOUNDE - 05 AVR. 2010
La Météo

06 avril 1984 - 06 avril 2010. Cela fait exactement 26 ans que le Cameroun a failli inscrire son nom au panthéon des pays où les révolutions de palais se font à coup de canon.

 

Rappel des faits



06 avril 1984 - 06 avril 2010. Cela fait exactement 26 ans que le Cameroun a failli inscrire son nom au panthéon des pays où les révolutions de palais se font à coup de canon. Ce jour-là, de jeunes officiers et sous-officiers regroupés au sein du mouvement "jeunes officiers pour la survie de l'État: J'OSE", ont tenté de prendre le pouvoir par la force des armes. L'initiative va se solder par un échec cuisant des mutins. Tout a probablement été dit sur cette affaire. Des livres commis, des interviews, des documentaires. L'après coup d'Etat a été toute une autre épreuve. La gestion du psychodrame ayant favorisé l'émergence d'un climat social malsain emprunt de suspicions. Quelques soient les précautions prises pour évoquer ces douloureux événement, il est difficile de ne pas heurter certaines sensibilités. Mais, nul n'est pour nous l'intention de remuer le couteau dans la plaie. Par contre, revenir sur cette étrange journée écrite en lettres de sang dans l'histoire du Cameroun est un devoir citoyen. Comme le rappelait Dakolé Daissala dans une interview accordée à l'hebdomadaire régional «L'œil du Sahel»: "Le devoir de mémoire m'oblige à me souvenir de tout pour mieux pardonner à la faiblesse humaine au nom des considérations supérieures qui devraient interpeller toute conscience éclairée". Cette année, un peu comme par le passé, nous avons choisi un angle différent pour parler du 06 avril 1984. Il nous semble opportun de revenir sur le discours des mutins qui semble prémonitoire aujourd'hui. Aussi, nous avons essayé de marcher sur les plates-bandes de certaines personnes arrêtées et soupçonnées d'être les auteurs du coup. Afin que nul n'en ignore !

Vendredi 6 avril 1984 au petit matin, les habitants de Yaoundé, capitale du Cameroun et siège des institutions, sont brutalement réveillés par d'insolites grondements qui se confondent dans un premier temps à des coups de tonnerre ponctuant la fin d'un orage. Puis les échos se font plus précis, permettant de distinguer nettement des tirs d'artillerie, et d'autres plus saccadés, d'armes légères. Si on est quelque peu impressionné, on ne s'en émeut d'abord pas outre mesure. La capitale a souvent été le théâtre d'exercices nocturnes de maintien et de vigilance des troupes. A 3h20, la sirène d'alarme du palais présidentiel se déclenche. On commence alors à s'inquiéter. Car, a-t-on besoin de déranger le président de la République dans son sommeil à pareille heure pour des exercices de routine ? Le cauchemar s'installe dans les ménages. Les familles ayant un téléphone à domicile s'appellent. "Que se asse- t-il ? C'est la même réponse partout : "On ne sait pas". Le colonel Ousmanou Daouda, chef d'état -major particulier du président de la République sera souvent appelé par des amis angoissés. Une heure, puis deux heures après le début des coups Je feu insolites, il répond toujours et encore : "Je ne sais pas ce qui se passe". Encore plus surprenant, il se trouve toujours à son domicile. Plus curieux, le commandant Bénaé, l'un de ses collaborateurs l'appelle plusieurs fois au téléphone. Il s'entend répondre qu'il se trompe de numéro, celui qu'il appelle étant celui d'une banque de la place. Mais à cette heure-là, aucune banque n'est encore ouverte. Le commandant Bénaé, pris de doute, met sa famille en sécurité et fonce en ville pour essayer de comprendre. Il découvre l'ampleur du désastre, les premiers cadavres jonchent déjà les rues de Yaoundé. Il se rend immédiatement à la station terrienne des télécommunications de Zamengoué. Les soldats qui s'y tiennent sont prévenus. Puis, le téléphone fonctionnant, Bénaé peut contacter quelques chefs de formations militaires et leur demander de faire mouvement sur la capitale.

Le Général de gendarmerie Oumarou Djam Yaya, en homme rompu dans le renseignement (car, il a été directeur de la sécurité présidentielle et directeur adjoint du centre national de la documentation) a, pour sa part, senti de quel côté le coup pouvait venir. Il appelle le colonel Saleh Ibrahim, commandant de ta Garde républicaine et lui demande de lui rendre compte de la situation. Celui-ci lui répond qu'il "pourrait s'agir d'une tentative de coup d'État" et demande au Général de lui indiquer sa position. Le Général Oumarou Djam Yaya lui déclare qu'il se trouve à son bureau, mais se met prudemment à l'abri. Il a été bien inspiré, car quelques minutes plus tard, un char se présente devant son bureau et le bombarde. Grâce à ce subterfuge, Oumarou Djam Yaya sauve se vie. Mais, le commandant de la Garde républicaine s'est aussi trahi. Au colonel de la Gendarmerie Akono Hermann qui lui pose la même question: "Que se passe-t-il ?", le commandant de la garde républicaine dit qu'il est retenu prisonnier chez lui, encerclé par les rebelles. Il demande au colonel Akono de lui préciser sa position. Mais, soupçonneux, plutôt que de demeurer dans son bureau, le colonel Akono s'installe dans sa voiture et met le moteur en marche. Il n'attendra pas longtemps: un char de la garde républicaine arrive sur les lieux. Le colonel Akono a compris et démarre en trombe.
C'est dans la malle arrière d'un véhicule conduit par l'épouse d'un officier voisin, Mme Matip, que le général Semengue va sortir du quartier général, puis de la ville pour organiser la riposte. Et celle-ci ne partira pas de bien loin.

En réalité, le projet d'un coup d'État préparé par les officiers et sous-officiers de la garde républicaine n'était pas totalement ignoré. N'en était inconnue que la date d'exécution. Très prévoyant, le général Semengue, dans le plus grand secret, avait consigné au stationnement, à quelques kilomètres de la capitale, quatre jours avant le déclenchement de l'insurrection, une unité militaire avec armes et munitions à toutes fins utiles. C'est vers celles-ci qu'il va se porter après avoir échappé aux tueurs. C'est également de cette formation que viendra aussi la première grande riposte, avant l'entrée dans la ville des unités d'Ebolowa.

A l'intérieur de la résidence présidentielle, le plus gradé, le capitaine Ivo réunit tous les éléments dont il dispose. Avec une indifférence trompeuse, il leur demande s'il ne vaut pas mieux rallier les putschistes et assurer la réussite de ce coup d'État, à partir de l'intérieur, compte tenu du rapport de forces, en faveur des insurgés. La plupart des gardes du corps du chef de l'État acceptent cette proposition. Le capitaine Ivo les désarme aussitôt et les neutralise avec le concours d'une demi-douzaine d'hommes prêts, au contraire, à affronter les putschistes. Pendant plus d'une journée, la résidence présidentielle sera défendue par moins d'une douzaine de personnes utilisant des armes individuelles et faisant illusion avec d'autres, plus puissantes, réglées sur automatique, capables de déclencher des balles, des explosifs et des missiles. Cette dernière disposition couvrait les défenseurs par un système de rotation et de synchronisation parfaitement mis au point. Le président de la République est conduit dans un bunker, un réduit lui-même surarmé, capable semble-t-il, de soutenir un siège d'une semaine et qui constitue par ailleurs, un abri atomique.

Le maréchal des logis chef Hollong met alors en marche la sirène d'alerte, éteint les lumières du palais et éclaire les jardins.

Ce qui permet aux défendeurs, tireurs d'élite pour la majorité, d'opérer sans être vus de leurs agresseurs et d'en abattre à coups sûrs sans perdre inutilement des munitions. Cette résistance inattendue déroute les assaillants. L'un d'entre eux, d'un poste de garde à l'entrée du palais, a alors l'idée de téléphoner à la résidence présidentielle. Jouant de ruse et au soldat loyaliste, il demande si la résidence est bien défendue, se renseigne sur le nombre de défenseurs, et veut aussi savoir si le président de la République est en sécurité. Celui qui répond de la résidence présidentielle n'est pas dupe. Il bluffe et fait savoir à son interlocuteur que la défense est soutenue par une centaine d'éléments, alors qu'ils sont moins d'une douzaine, et que le chef de l'État est dans le bunker, ce qui est vrai. Le capitaine Yaya Mazou, spécialiste des transmissions qui vient de se renseigner ainsi, comprend très tôt pour sa part, que tout est perdu, et que l'effet de surprise escompté, ne peut plus jouer, surtout que le président de la République est dans le bunker, place imprenable avant une semaine au moins. Le bilan officiel du putsch est rendu public le jeudi 12 avril 1984 : 70 morts, 52 blessés, 265 gendarmes disparus, 1053 arrestations.



UNE HISTOIRE: Le discours des mutins



En intégralité, le message des mutins lu sur les antennes du poste national à 13h et à 15h. Seulement cette déclaration qui devait servir de signal à d'autres troupes rebelles en attente hors du siège des institutions, ne sera diffusée que dans la ville de Yaoundé.

« Camerounaises, Camerounais.

L'armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya, de leur tyrannie, de leur rapine incalculable, inqualifiable. Oui, l'armée a décidé de mettre fin à la politique criminelle de cet individu contre l'unité nationale de notre pays. En effet, le Cameroun vient de vivre au cours de ces quinze derniers mois qu'a duré le régime Biya, les heures les plus noires de son histoire. Son unité mise en péril, sa prospérité économique compromise, la réputation ternie.

Chers compatriotes, vous avez tous été témoins de l'horrible comédie jouée par le pouvoir défunt, qui se permettait de parler de libéralisme, de démocratie et d'intégration nationale, alors que chaque jour, son action bafouait de façon scandaleuse ces hautes valeurs. Les libertés fondamentales des citoyens, telles que énoncées par la Déclaration des Droits de l'Homme n'étaient jamais respectées. La constitution était ballottée au gré des humeurs de la politique politicienne, le gouvernement pour servir la nation, mais pour se servir. Oui, tout se passait comme s'il fallait se remplir les poches le plus rapidement possibles, avant qu'il ne soit trop tard. Et en effet, c'était bien de cela qu'il s'agissait. Enfin, vous pouvez juger du discrédit jeté sur le Cameroun par la parodie de justice que constitue le dernier procès. Aussi, il était temps de trancher le nœud gordien. C'était aujourd’hui, grâce à Dieu, mes chers compatriotes, le cauchemar est terminé. L'armée, sous l'impulsion de jeunes officiers et sous-officiers prêts au sacrifice suprême pour la nation, regroupés au sein du mouvement "J'ose", entend redonner sa pleine signification à l'unité nationale et rétablir la détente et la concorde entre les citoyens.

Le peuple camerounais et son armée viennent de remporter aujourd'hui une grande victoire sur les forces du mal. Et, cette victoire sur les forces du mal sera célébrée par l'histoire avec l'honneur qui lui est dû. Dès maintenant, le conseil militaire supérieur est amené à prendre un certain nombre de décisions au regard de la sécurité nationale. Et le conseil supérieur demande au peuple camerounais de le comprendre. En premier lieu, les liaisons aériennes, terrestres, maritimes et les télécommunications sont suspendues jusqu'à nouvel ordre. Le couvre-feu est institué sur l'ensemble du territoire national de 19 heures à 5 heures du matin. Par ailleurs, la constitution est suspendue, l'Assemblée nationale est dissoute, le gouvernement est démis, tous les gouverneurs de provinces sont relevés et, enfin, sur le plan militaire, les officiers supérieurs exerçant le commandement d'unités opérationnelles sont déchargés de leurs fonctions. L'officier subalterne le plus ancien dans le grade le plus élevé prend le commandement. Vive les Forces armées nationales ! Vive le Cameroun !"




Coup d'arrêt au Renouveau



Le putsch de 1984 était d'inspiration réactionnaire et revancharde. Rien de noble ne le justifiait II mettait un terme au printemps des libertés.

Le coup d'Etat fut préparé, planifié et exécuté par une poignée d'officiers de la Garde républicaine avec raval d'Ahmadou Ahidjo et le soutien du Dg du Fonds national pour le développement rural (Fonader). Le président Ahidjo le confirma le 6 avril 1984, dans une interview à Rfi: "Si ce sont mes partisans, ils auront le dessus". Dans une interview au Messager datée du 5 avril 2004, Dakolé Daissala confirme que le putsch fut bien l'œuvre d'officiers de la Garde républicaine. Dakolé révèle que depuis Dakar où il s'était volontairement exilé en 1983, Ahidjo ne cessait de pousser les officiers peuhls de la Gr à perpétrer un coup d'Etat Ceux qui, aujourd’hui, présentent Ahidjo comme un patriote feraient donc bien de se raviser. L'homme a dirigé le Cameroun par la terreur et le sang, provoquant l'exil de milliers de Camerounais. Il a fini sa carrière en essayant de plonger son pays dans la guerre civile. Le départ du pouvoir du président Ahidjo, le 4 novembre 1982 a provoqué un soulagement dans tout le pays, y compris dans le Grand-Nord où l'écrasante majorité des Camerounais de cette région croupissait dans l'analphabétisme et la misère.

La bourgeoisie de la minorité peuhle musulmane dominait sans partage, exerçant une terreur noire sur la majorité de la population, et surtout les Kirdis animistes. La caution morale qu'Ahidjo donna au coup d'Etat d'avril 1984 fut ressentie comme une insulte par les Camerounais qui disqualifièrent dès lors les putschistes. Au nom du président Paul Biya, lui-même redus dans son palais en compagnie d'un carré de fidèles, l’on a assisté à des scènes parfois surréaliste où des populations civiles (parmi lesquelles des enfants) bravaient les balles en aidant les forces loyalistes à libérer les principaux points stratégiques (radio, aéroport, Palais de l'Unité, etc.) en leur indiquant les cachettes des mutins. Le deuxième élément qui confirme le caractère réactionnaire du putsch est le communiqué lu à la radio à 13 heures le 6 avril. Les putschistes, qui croient s'adresser à l'ensemble des Camerounais à travers le réseau national condamnent la bande à Biya" accusée de sectarisme et de gabegie, puis tout de suite après, font l'apologie de la gestion ahidjoïste du pouvoir !

La tentative de putsch avait laissé vacant le pouvoir à Yaoundé. Certains officiés supérieurs, encouragés par des caciques de l'ancien régime tel Gilbert Andze Tsoungui, tentèrent de s'emparer du pouvoir Ils firent face à la résistance d'officiers et sous-officiers restés loyaux jusqu'au bout. M. Biya reprit le pouvoir, mais dut laisser la gestion de l'après-putsch aux militaires. Ceux-ci, sans se soucier des conséquences politiques de la répression qu'ils déclenchèrent, traitèrent le problème sur un strict plan militaire, usant d'une "justice" expéditive, donnant l'impression de régler des comptes et procédant à une chasse aux sorcières. Le résultat fut catastrophique. Nombre de ressortissants du Grand-Nord qui n'avaient rien à voir avec le putsch perdirent leur emploi, leurs biens et furent même parfois emprisonnés. Il en résultat un profond sentiment de frustration et d'injustice.

Le président Pari Biya accède au pouvoir en 1982 On peut sans risque de se tromper, mimer qu'il était plein de bonnes intentions. En 1982, Pal Biya veut tourner la page de la répression sauvage du régime d'Ahidjo. M. Biya veut démocratiser le régime politique au Cameroun. Les ouvertures démocratiques à l'intérieur du parti unique dès 1986 ratinant. Ses déclarations et celles de ses principaux collaborateurs dès 1983, concernant le retour des exilés, et les contacts établis avec l’opposition à l’extérieur le prouvent. Le nouveau chef d'Etat veut moraliser, dès son accession au pouvoir, la gestion des affaires publiques. Au-delà des discours, il s'entoure de personnalités nouvelles telles Ngango, Nkuete, Mataga, Edzoa, Raphael Onambele, etc. II prend ses distances avec la plupart des caciques de l'ancien régime. Le putsch de 1984 vient détruire tout cet édifice léger certes, mais prometteur. Il braque Paul Biya et le précipite dans une dérive sécuritaire. Pour se protéger, consolider et conserver son pouvoir, Paul Biya ramène aux affaires, les hommes de l’ancien régime, les caciques d'Ahidjo. Certes la dérive régionaliste est bien là mais elle ne constitue pas l'aspect fondamental du socle du régime après 1984. Le putsch a favorisé le retour en arrière, l’encerclement du chef de l'Etat par les services de sécurité, le retour des barons de l'ancien régime tels Fochive, Andze Tsoungui, Denis Ekani, Jean Marcel Mengueme, Enoch Kwayep, Sadou Daoudou, etc. Tous les ingrédients étaient là pour refermer la petite porte, une lueur d'espoir, que la démission d'Ahidjo avait entrouverte.
Que sont-ils devenus ?

Comme un peu partout dans le monde, la justice des vainqueurs du 06 avril avait son lot d'exaction. Certaines arrestations furent arbitraires, et d'autres justifiées. Nous avons choisi pour vous, des personnes qui étaient logées dans la même cellule à la prison centrale de Kodengui.



Issa Tchiroma Bakary



Le 16 avril 1984, Issa Tchiroma Bakary est arrêté à Douala à l'entrée de son bureau de la Régifercam, sur ordre du délégué provincial à la Sûreté nationale de l’époque, le commissaire divisionnaire Pierre Minlo Medjo. Bien avant cette arrestation, son bureau avait été fouillé 9 fois, ainsi que sa résidence sise à Deido plage. Conduit à Yaoundé, il sera accusé devant le tribunal militaire d'assassinat, tentative d'assassinat, destruction des biens publics, apologie du crime. Son avocat Me Yondo Black n'y pourra rien. Issa Tchiroma ira purger sa peine à Yoko où il passera six ans, avant d'être élargi par le président de la République en 1990. Aussitôt sorti de prison, il renoue avec la politique en militant dans les rangs de l'Undp. En 1991, il organise une grande marche contre le régime en place à Garoua. Une fois encore, il est arrêté et jeté en prison. Mais la tension monte d'un cran. Pour éviter l’épuration ethnique qui se prépare en coulisse à Garoua, Edgar Alain Mebe Ngo'o alors secrétaire général des services du gouverneur jouera des pieds et des mains pour le faire libérer. Animal politique à sang chaud, Tchiroma sera une fois de plus arrêté et molesté à Douala au cours d'une marche de l'opposition. En 1992, il entre au gouvernement comme ministre des transports contre la volonté de son parti. Il en est éjecté en 1994. Commence alors une longue traversée du désert durant la quelle l'homme restera un fervent pourfendeur du régime Biya. Il refait surface en 2008, cette fois pour militer en faveur de la modification de la Constitution. Le 30 juin 2009, il est fait ministre de la Communication.



Marafa Hamidou Yaya



Le parcours du prince de Garoua fait souvent oublier à l'opinion nationale qu'il fut arrêté au le demain du coup d'Etat manqué. Camarade de cellule de Marcel Niat Njifenji, Issa Tchiroma Bakari, Dakolé Daissala,Garga Haman Adji, Amadou Bello, Bobo Hamatoucour et Victor Ayissi Mvodo, il a eu la vie sauve à la dernière minute, alors qu'il était déjà dans le camion en route pour les exécutions de Mbalmayo, rapportent certains témoignages. Cadre à la Société nationale des hydrocarbures, on soupçonnait l'ingénieur en pétrochimie d'être d'intelligence avec les mutins. Il aurait été chargé de réunir les fonds auprès des partenaires étrangers afin de soutenir l'effort de guerre des putschistes. Il aura fallu tout le dynamisme de sa jeune épouse qui, était allée voir Gilbert Andze Tsoungui, ministre des forces armées à l'époque, pour que le play-boy échappe aux mailles de la justice des vainqueurs. Sorti du "camion de la mort", il connaîtra une ascension fulgurante par la suite: Dans un premier temps, il va retrouver son poste de chef de département de l’exploitation-production à la Snh. Entre 1990 et 1992, il est conseiller technique à la présidence et aurait participé à la rédaction du programme du candidat Biya à la présidentielle d'octobre 1992. Le 27 novembre 1992, il est nommé secrétaire d'Etat N°2 aux Finances. 2 ans après, il est promu conseiller spécial à la présidence de la République. Au lendemain de l'élection présidentielle de 19974 Paul Biya le nomme secrétaire général de la présidence de la République. Il bat un record de longévité à ce poste en y passant presque 4 ans. Un poste où la moyenne de longévité se situe autour d'un an et demi. Ministre d'Etat depuis 2001, Marafa Hamidou Yaya s'occupe actuellement de l'administration territoriale et de la décentralisation.


Garga Haman Hadji



Craint par le régime Ahidjo et redouté par le Renouveau, Garga Haman est en service au ministère des Finances lorsqu'il est interpellé dans la vague d'arrestations qui ont suivi le coup d'Etat d'avril. Détenu à la prison centrale de Kondengui, il sera acquitté et libéré par le tribunal militaire. Il va continuer tranquillement sa carrière administrative. Nommé ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en 1990, il incarne la rigueur et la moralisation prônées par le chef de l'Etat. Il est surnommé le chasseur des baleines, une appellation sans complaisance qui témoigne de sa volonté pour l'assainissement de la fonction publique camerounaise. Traqueur des réseaux et des techniques de corruption, adepte invétéré du culte du travail bien fait, il se distingue par son sens élevé de l'Etat et sa probité sans faille. Il va défrayer la chronique en démissionnant du gouvernement le 27 août 1992. Car, dit-on, ulcéré par les pesanteurs absurdes de l'administration qui freinent son action. Ce départ qui va créer un remous au sein de la classe politique. Il se raconte aujourd'hui dans certains salons huppés de la capitale que la démission de Garga Haman à quelques jours de l'élection présidentielle du 11 octobre 1992 relève d'un simple calcul politique. Etant sûr que Paul Biya n'allait pas se faire élire, le chasseur des baleines a préféré quitter la barque avant la grande noyade. Pour conforter cette thèse, les pourfendeurs de Garga avancent que l'homme est prêt à accepter n'importe quel poste ministériel aujourd'hui. Infos ou Intox ?



Dakolé Daissala



Bon vivant appréciant les plaisirs de table, directeur général de la Société des transports urbains du Cameroun (Sotuc) à l'époque des faits, Dakolé Daissala était revenu à Yaoundé la veille du coup d'Etat, après avoir assisté aux obsèques de son beau-frère à Maroua. Arrêté à son domicile de Tsinga le 10 avril 1984 au soir, il est soupçonné d'avoir prêté main forte aux mutins en leur permettant de se déplacer à bord des bus de la Sotuc. On lui aurait d'ailleurs donné le pseudonyme de : "chauffeur des putschistes". Il était d'autant plus suspect que quelques jours avant, dans l'affaire Rodo Marcel, il aurait déclaré sans ambages devant le procureur de la République Yengue Michel : "Puisque vous voulez que ça barde, ça va barder".

Condamné par le tribunal, il est conduit à la prison centrale de Kondengui, avant d'être affecté à la maison d'arrêt de Sa’ a d'où il publiera "Libre derrière les barreaux ". Grande gueule devant l'Eternel, il sera libéré en janvier 1991 à la faveur d'une loi portant amnistie des prisonniers politiques. Par la suite, il va créer un parti politique, le Mouvement pour la défense de la République (Mdr). Avec 06 députés élus à l'assemblée nationale lors des élections législatives du 11 mars 1992, il formera avec le Rdpc, la majorité présidentielle tout au long de la 5e législature. Ministre d'Etat en charge des Postes et Télécommunications au lendemain de la présidentielle d'octobre 1992, il occupera ce poste jusqu'en 1997.Il reviendra au gouvernement en 2004, cette fois pour le poste de ministre des Transports, ce jusqu'en 2007.



Marcel Niat Njifenji



L'on se demande parfois comment le nom d'un originaire de l'Ouest s'est retrouvé dans cette affaire. Pourtant, Marcel Niat Njifenji, directeur général de la Sonel sera suspecté d'avoir vendu le plan d'électrification de la cité capitale aux mutins. Sa détention, il la vivra très mal. Certains récits rapportent à cet effet qu'il aurait tenté de se suicider à plusieurs reprises. La présence de Issa Tchiroma Bakary lui aurait été d'un grand secours à ces moments précis. Musulman, l'actuel ministre de la Communication avoue dans une interview accordée au quotidien Mutations : "La vie carcérale est particulière ; elle vous transforme et fait de vous un autre homme que celui que vous avez été au moment où vous l'engagiez. Marcel Niat Njifenji m'avait demandé de lire pour lui la bible. Tout ce que je faisais à la prison de Kondengui c'était de lire ce livre sacré pour mon compagnon d'infortune. En quelques semaines j'avais parcouru ce livre de la première à la dernière page." Libéré quelques jours après, il retrouve son poste de directeur général de la Sonel. Le 07 décembre 1990, Marcel Niat Njifenji est nommé ministre du Plan et de l'Aménagement du Territoire. Du 07 avril 1992 au 27 novembre 1992, il est Vice-Premier Ministre, chargé des Mines, Eau et Énergie. Après ce bref épisode il retrouve ses bureaux de la Sonel jusqu'en 2001. Rdpciste dans l'âme, c'est l'un des barrons du régime en place. C'est la première personnalité ressource d'accompagnement du Rdpc à l'Ouest. Il est présenté dans certains cercles comme le faiseur d'hommes du département du Ndé (Bangangté). Sa proximité avec le chef de l'Etat fait des émules.



Post scriptum: L'armée est elle toujours républicaine ?



Chef suprême des années, le président de la République, son excellence Paul Biya entretient des relations particulières avec les hommes en tenue. Pour certains observateurs, la grande muette est l'enfant choyé du Renouveau. En effet, depuis l'avènement de l'Homme du 06 novembre, l'armée a toujours été logée à la bonne enseigne. Malgré la grave crise économique qui a traversé le pays depuis le milieu des années 80 et qui a duré une vingtaine d'années, alors qu'on assistait aux baisses de salaires dans les différents secteurs d'activité, les salaires des fonctionnaires militaires sont restés intacts et payés régulièrement. Non seulement les forces de défenses sont payées régulièrement, leurs salaires sont les plus élevés de l'administration camerounaise. Avancement de grade, non logement, allocations familiales et autres avantages leur sont attribués sans coup férir. Alors que les recrutements étaient arrêtés, l'armée a continué d'enrôler. Deuxième plus grosse enveloppe budgétaire de la loi des finances 2010, les militaires camerounais bénéficient des conditions de travail assez appréciables pour un pays en voie de développement très endetté. Lors de la sortie des 31e et 32e promotions de l'Emia le 04 décembre 2009, le chef de l'Etat a promis améliorer davantage les conditions de vie et de travail du personnel de l'armée nationale. Dans la même lancée, il a annoncé la création de la croix de la valeur militaire du Cameroun. Ceci dans le but de stimuler le sens du mérite, de l'honneur et du sacrifice.

Avec l'étroitesse de ces relations entre le président de la République et les bidasses, est-on définitivement à l'abri du genre d'événement vécu le 06 avril 1984 ? L'armée restera-t-elle toujours républicaine ? Réputée pour l'affairisme de certains de ses hommes, peut-elle garder la règle ? "L'armée est faite pour défendre le pays et non pour prendre le pouvoir, sauf cas exceptionnel quand rien ne va plus", indiquait le général Pierre Semengue dans le livre interview de Charles Ateba Eyene. Mais il n'exclut pas une prise d'armes pour installer un homme en treillis au Palais de l'Unité. "Je vous l'avoue aujourd’hui, si la conférence nationale s'était effectivement tenue, l'armée aurait fait un coup d'Etat; que voulez-vous? C'est coup d'Etat pour coup d'Etat. Je l'ai fait comprendre à tous en d'autres temps", martèle-t-il. Et de poursuivre : "L'Armée a la force des armes, qui aurait pu s'opposer à sa prise de pouvoir ?" En d'autres termes, il est des circonstances qui amènent parfois la grande muette à déserter les casernes pour les lambris dorés des palais présidentiels. Mais alors, à qui de juger de l'opportunité de ces circonstances ? Le peuple, les militaires eux- mêmes ou la norme suprême? Bien plus, il faut chercher à savoir si les juntes militaires agissent toujours dans le sens des intérêts de la République.




Rassemblé par Jean Calvin Ovono et Michel Tafou
Source: La Flamme et la Fumee d'Henri Bandolo



07/04/2010
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