06 avril 1984: Et si les pustchistes n’avaient pas raison?

YAOUNDE - 04 Avril 2012
© Yves Marc Kamdoum, Labaran Mamouda et Re | La Météo

Le discours des mutins ne fait aucune grande annonce, juste la suspension des institutions républicaines.

Quelque visionnaire que puisse paraître leur perception, elle tombe sous le coup de la censure des bonnes mœurs. Quelles que soient les considérations, aucune explication ne peut être donnée à la prise d'armes pour la conquête du pouvoir dans un pays où les règles démocratiques sont clairement définies. Les mutins n'ont pas le courage d'avouer qu'ils ont été aveuglés par les chimères des tenants de l'ancien régime qui supportaient difficilement la perte de leurs privilèges. En quinze mois d'exercice du pouvoir au cours desquels Biya a déjà essuyé trois attentats, le nouveau chef de l'Etat n'a pas encore eu le temps d'asseoir sa politique. Il recherche encore sa voie et les hommes devant l'accompagner. Il est animé du souci de bien faire et surtout, possédé de la peur de mal faire. Il est traumatisé par ces tentatives de déstabilisation qui secouent son régime et l'empêchent de réfléchir opportunément.

Parler d'atteinte à l'unité nationale dans un contexte où le nouveau président de la République a nommé comme Premier ministre, un homme venu d'ailleurs, ne peut relever que de la calomnie. C'est tout de même Biya et pas un autre, qui nomme Bello Bouba Maïgari. Le premier président avait tout le temps d'en faire son Premier ministre, mais ne l'a pas fait. Par quels mécanismes Paul Biya a-t-il pu fossoyer l'unité nationale en quinze mois d'exercice approximatif du pouvoir? Par ailleurs, il y a comme une myopie manifeste dans la formulation de l'énoncé. Le texte n'annonce aucune réforme. Tout au plus perçoit-on dans les «décisions» urgentes à prendre (la suspension de la Constitution, la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale, l'institution d'un couvre-feu) les miasmes d'un futur régime qui se veut autoritaire et qui annonce «les heures les plus noires de l'histoire» du Cameroun. Pour corser le tout, le passage du commandement à «l'officier subalterne le plus ancien dans le grade le plus élevé» fait penser à un anachronisme pathologique. Ces gens voulaient renverser les aiguilles du temps. Cette seule disposition fait penser que ce texte a été rédigé à la hâte par quelques analphabètes égarés, qui s'étaient mis en tête de diriger le Cameroun. Pour sûr, notre pays a échappé à une prise d'otages.

Mais alors, était-il nécessaire de prendre les armes pour renverser les institutions républicaines que le peuple s'est donné librement? Paul Biya avait ouvert un véritable dialogue avec toutes les sensibilités politiques du pays. Qui a oublié cette main tendue aux militants et sympathisants de l'Upc en février 1983, lors de sa première visite officielle en France? D'autres voies de recours existaient pour se faire entendre, et notamment l'élection présidentielle qui permet aux citoyens d'exprimer leurs opinions à travers les urnes. Le fond du problème se trouvait probablement ailleurs. Toutefois, bien qu'incohérents, les propos des démons du 6 avril 1984, incitent à la réflexion.



07/04/2012
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