06 avril 1984: Du poisson d’avril au cauchemar

YAOUNDE - 04 Avril 2012
© Yves Marc Kamdoum, Labaran Mamouda et Re | La Météo

Le mois d'avril s'ouvre toujours sur une note de gaieté et d'humour. Malheureusement, en avril 1984, la gaieté a été au Cameroun de très courte durée.

Le 1er avril 1984 n'a échappé au rituel du «Poisson d'avril». Et c'est en grands éclats de rire que l'on s'est moqué soi-même d'avoir une fois encore, succombé au poisson d'avril. C'est dans cette ambiance pleine d'humour qu'au matin du 06 avril, les armes tonnent sur la capitale. Il ne faut pas beaucoup de temps pour que les citoyens se rendent compte que quelque chose ne va pas. C'est la première fois en effet que des détonations sont entendues au siège des institutions. Des éclairs et des étincelles déchirent le ciel à chaque explosion. Les militaires, éparpillés dans les différents quartiers, reconnaissent bien certaines armes à leur percussion. Des armes légères à l'arme lourde, tout y passe. Mais, ils ne veulent rien dire à personne, et c'est en toute discrétion qu'ils gagnent le Quartier général pour prendre des nouvelles. Tous? Certainement pas. Au fur et à mesure que le temps passe, l'inquiétude gagne les populations. Le roulement des explosions en provenance du Quartier général jusqu'au matin effacera toutes les illusions sur les hypothèses de roues de camions détonant ou de roulement de tonnerre dans le ciel annonçant une forte averse. Personne n'est plus dupe: Yaoundé vit un coup d'Etat. Et cette fois, l'insurrection ne s'est plus arrêtée au seuil des intentions dont les procès antérieurs avaient suscité tant de controverses. Les assoiffés du pouvoir sont passés à l'acte.

Ceux qui le peuvent désertent la ville, laissant tout derrière eux. Il faut d'abord sauver sa tête. Normal, personne ne peut voir venir la mort et rester planter sur place d'autant plus qu'on ne sait jusqu'où les choses pourraient aller. Aucune raison ne tient au bruit d'une déflagration. L'opinion nationale s'interroge: comment le Cameroun dont la transition pacifique venait de susciter tant d'admiration, peut-il subitement sombrer dans le cycle des violences? En effet, le processus de succession à la tête de l'Etat est marqué dans la Constitution en vigueur. La légitimité du pouvoir légué à Paul Biya, Premier ministre d'Ahidjo jusqu'à sa démission poussée ou volontaire, ne souffre pas de la moindre contestation. Il est le successeur constitutionnel. Ce qui veut dire qu'il assume le pouvoir suprême d'office. Il parachève par conséquent le mandat de son prédécesseur en attendant la tenue de la prochaine élection présidentielle à laquelle il peut postuler. Cette disposition n'arrange pas tout le monde, et pour cause. Cet homme jadis inoffensif, toujours effacé derrière son patron, est devenu subitement un ogre que l'on ne peut plus retenir par la bride comme autrefois. A la longue, il échappera au contrôle de l'ancienne tutelle et éventuellement, remettra en question les acquis légaux - et illégaux - du passé. Il ne faut pas lui donner trop de temps pour asseoir ses réseaux et se constituer une force. La solution la plus intelligente serait de le faire partir le plus vite possible pour protéger les intérêts égoïstes des lobbies. Tout est dans cette vérité que le communiqué des mutins diffusé le 6 avril, ne relèvera jamais. A quoi sert-il donc à un peuple de se doter d'une Constitution lorsque certains groupes de pression ne consentent pas à accepter son application, et quelles dispositions doit-on envisager pour protéger celle-ci d'une invasion destructrice, d'où qu'elle vienne?




07/04/2012
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